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coming ouSt
20 avril 2007

DISCOURS ELECTORAUX : 2 EGO MAIS 2 SYNTAXES

Deux phrases tirées des dernières minutes où il faut convaincre :

"Je vous demande de faire de mon combat votre combat" (dernier meeting de Nicolas Sarkozy, hier soir)

"Je vous ai écoutés pour agir juste et pour tenir parole" (première phrase de la profession de foi de Ségolène Royal)

Examinons ces deux affirmations linguistiques au regard du lien entre le "je" et le " vous". En somme, regardons comment les deux candidats envisagent leur rapport avec les français. Deux remarques préliminaires qui ne surprendront pas :

  • l'égo des candidats se montre dans la forme même des déclarations : le "je" est sujet et indique le cap à tenir. Nul ne peut en vouloir à ceux qui veulent incarner le destin quinquennal d'un pays!

  • le ton volontariste de N.Sarkozy signale une impatience que d'aucuns ont beaucoup décrit. Le thème de l'écoute chez S.Royal est issu des surprenants débats participatifs du début de sa campagne.

L'égo étant formulé, le volontarisme et l'écoute étant posés, voyons comment fonctionne le lien candidat/français.

  • la phrase de N.Sarkozy manifeste une mise en avant de soi frappante : "mon combat" (entendons "mon combat personnel") se place avant "votre combat". La répétition rhétorique du même substantif (combat) est un trait typique du discours de campagne qui ne s'embarrasse pas de complexité. Il dit également que Sarkozy a besoin d'un miroir dans sa relation à la France, et peut-être d'une image grossissante de lui-même qui pourrait le porter (mon combat d'homme seul est le combat du collectif). Le présent de l'indicatif "je vous demande" fixe à la fois une prière de l'instant et un devoir, ce dernier se situant dans un futur proche. Enfin le verbe employé, le verbe "faire", semble l'élément le plus intéressant de la proposition : il instrumentalise le rapport destinateur / destinataires et installe l'ambition du candidat dans un "faire ensemble" fortement guidé.

  • la phrase de S.Royal découpe le temps de l'action en deux phases : la première (au passé composé) efface l'égo, mis en avant d'emblée, par une posture passive (telle est souvent la connotation de l'écoute) : Royal installe un rapport de soumission (ou de modestie) vis-à-vis du collectif. La seconde phase (éclairée par deux verbes à l'infinitif, "agir", "tenir") prend son sens par le simple but à atteindre. "Pour" est un connecteur logique du lien, il signale un échange mais un échange subordonné. Royal a besoin de la parole du peuple pour agir et tenir, c'est donc un double rapport qui s'engage : destinateurs loquaces vis-à-vis d'une destinataire écoutante qui se fait destinateur loquace vis-à-vis de destinataires écoutants. Le faire est dans ce basculement des deux phases. Enfin, les deux modalisateurs "juste" et "parole" qui complètent les infinitifs désignent ce qui guide la candidate, mais ils se contaminent dans ce qui devient le message subliminal de la candidate : la parole juste qui semble fonder la puissance politique.

En conclusion, il est intéressant de garder en tête les stéréotypes de ces deux discours : celui de Nicolas Sarkozy exprime une solitude et un appel. Solitude d'un destin, appel pour une victoire. Pour lui, faire est plus important qu'écouter ou que parler. Celui de Ségolène Royal exprime un besoin et un échange. Besoin de l'expertise des "gens", échange pour créer de la puissance. Pour elle, écouter est au coeur du dispositif du faire. Deux conceptions profondément différentes de la vie publique, et peut-être deux choix de pilotage.

insolite_218 Julie

Google au boulot : Présidentielles 2007 - Sarkozy - Royal - linguistique

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Commentaires
L
bravo et merçi pour ce que vous avez fait.<br /> <br /> Sarkozy est pour moi un vrai danger pour notre démocratie, déja bancale.<br /> <br /> comme d'autres je crois qu'il est vraiment déranger dans sa tête.<br /> <br /> bonne chance à nous tous sans sarkozy<br /> <br /> sarkozy non merçi
J
c'est vrai que c'est assez proche de l'idée qu'on a pu se faire de ces deux personnes depuis le début de la "campagne".
2
Vous avez touché du doigt la différence essentielle entre les deux candidats. Et pas par des rumeurs, ou des on-dit, mais par des "ils-disent". Les mots tout simplement dits dans les discours qui en disent plus long que les discours eux-même.<br /> Mais trèves de facéties, Nicolas Sarkozy ne se cache pas qu'il veut faire la société française à son image quand Segolène veut être l'image de la société française. <br /> Et on notera que c'est l'homme cette fois, qui dit "miroir, miroir dit moi qui est la plus belle".
B
Merci de ton aide Julie ! A lundi, j'espère.
coming ouSt
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