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coming ouSt
28 décembre 2007

LA BELLE DE AUCHAN

(fable)

Elle avait l"habitude de traîner au rayon surgelés de Monoprix. Là, on voyait des grand-mères soignées se grandir pour atteindre, la porte froide entrouverte, un petit paquet de haricots beurre, une tourte aux champignons, la boîte de persil Darégal, un vrai régal. On voyait des hordes d'étudiants voter des AG culinaires pour choisir une pizza. On voyait des catogans-jupes écossaises scruter les dates de péremption, lunettes aux naseaux. Elle imaginait la succulence des repas, le soir, entre amis, entre potes ou dans la chaleur délicieuse du bénédicité familial. Elle grattait les poches de son pardessus (quelques pièces y tintaient) et c'était une musique qui donnait faim.
Allez, faut pas rester là Mâme Denise, disait le gentil gérant du Monoprix. C'est pas l'endroit le plus chaud du magasin ! Encore un peu, suppliait Madame Denise, je n'ai pas encore vu passer la si jolie jeune fille de l'autre jour.
Madame Denise, mendigote et lesbienne, espérait, dans ses vêtements puants, passer une bonne nuit, dans son froid coutumier en rêvant de la belle brune qui lui plaisait. Elle espérait. Mais la belle brune faisait méchamment ses courses à Auchan...

insolite_218 Julie

Google, au boulot : les fables de Julie - Denise, mendigote et lesbienne

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Commentaires
J
J'ai beaucoup ri ! Merci. Je me retrouve assez en tueuse de vieilles hospitalisées. Quant à mon Monoprix, je suis désolée mais vous m'y trouverez encore. J'ai fait de l'oeil au gérant.
D
Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? De toutes les façons, Julie, vous savez fort bien qu'on ne veut pas vous revoir à Monoprix ! Le gérant de cet établissement honnête vous l'a déjà expliqué trois fois au moins ! En quelle langue faut-il vous le dire ?<br /> <br /> Vous qui passez sans savoir, je m'en vais vous conter les détails de l'interdiction faite à Julie de repasser le seuil du Monoprix de son quartier.<br /> <br /> Depuis que la Julie a appris à faire les courses (il y a deux mois), elle s'est mise à hanter de plus en plus souvent le Monoprix de son quartier. Matin, midi et soir, la Julie déambulait derrière un grand caddie à roulettes en regardant à droite et à gauche (mais très rarement devant elle). Elle conduit déjà les automobiles de cette manière, il n'y avait donc aucune raison qu'elle change une méthode qui a fait ses preuves.<br /> <br /> Bref, à la suite d'un accident de caddie, la Julie a envoyé une petite vieille à l'hôpital (vous savez, celle qui avait des cheveux argentés et qui faisait des conférences politiques devant le rayon des surgelés !). La vieille, fauchée par le bolide à roulettes de Julie, s'est trouvée mal et a dû être évacuée d'urgence (rapport à ses varices, paraît-il !). Cette histoire a fait trois fois le tour de la ville, à tel point que les vieilles variqueuses n'allaient faire les courses qu'après s'être scrupuleusement enrubannées les guiboles, de crainte de rencontrer le monstre de fer au détour d'un rayon. La fréquentation du Monoprix commença à chuter. Les vieilles de la bonne ville de XXX vivaient terrées dans la peur. La situation faisait néanmoins la joie des livreurs à domicile.<br /> <br /> La Julie, qui a un cœur gros et débordant comme le siège national du Parti Socialiste un soir d'élections présidentielles, a été peinée de cet incident. Elle a voulu "réparer", en allant visiter la vieille à l'hôpital. La Julie, dont le romantisme s'accroît selon l'importance de la bêtise qu'il est censé réparer, a jugé bon d'offrir un pot de camélias à la vieille hospitalisée (rapport à "La dame aux camélias" de Dumas). La vieille a commencé à toussoter devant la traduction matérielle et fleurie de la générosité de sa chauffarde de supermarché. Puis, elle s'est mise à pleurer abondamment. Les larmes gagnaient également les yeux de la Julie, toujours aussi sensible. L'émotion était intense. A tel point que la vieille suffoquait un peu. Des plaques rouges dévoraient son visage flétrie. Au bout de quelques minutes, les plaques sous-cutanées virèrent du rouge au bleu. Un bleu parcouru de quelques touches violettes qui sous la peu diaphane de la vieille, étaient du meilleur effet d'un point de vue esthétique. Goya, sur la fin de sa vie, aurait adoré cette ébauche de tableau. La Julie continuait de pleurer à chaudes larmes lorsqu'il lui sembla que la vieille voulait lui faire une confidence. C'est qu'elle s'agitait la vieille ! Elle tentait inutilement d'attraper la petite poire qui se trouve au dessus du lit. Pourquoi s'acharner sur cette petite poire ? La Julie ne comprenait pas : "Comment, que dites-vous Madame ?". C'est alors que le neveu de la vieille dame entra dans la chambre d'hôpital. La suite de la scène serait laborieuse à décrire et pénible pour le lecteur. Elle est faite de cris, d'histoire d'allergie, d'assistance respiratoire et de déclarations solennelles du type : "Vous teniez donc à la tuer une deuxième fois". La Julie s'éclipsa penaude et incomprise.<br /> <br /> Elle continua cependant de fréquenter le Monoprix de son quartier. Car c'est là que se trouvait la vraie vie, ce grouillement social que la Julie cherchait désespérément à entrevoir dans la petite lucarne de son salon, allant pour cela jusqu'à regarder les reportages du journal télévisée de Jean-Pierre Pernot.<br /> <br /> La Julie faisait les courses en grignotant, en regardant les uns et les autres et en les écoutant, l'air de rien. Elle prenait ainsi la température de sa ville : température politique, température sociale, température amoureuse lorsqu'une belle jeune fille lui lançait une œillade involontaire (eh oui, très souvent les grignotages de la Julie propulsent un nuage de miettes alentours … ces rejets volatiles et minuscules sont susceptibles de créer chez les passants des irritations oculaires passagères dont les symptômes peuvent être pris pour des "œillades").<br /> <br /> La Julie s'attardait souvent devant le rayon des alcools. Elle ouvrait alors de grands yeux à tel point que le vigile, un étudiant en histoire qui malgré maintes tentatives ne parvenait pas à réussir son agrégation, l'avait surnommée Héra (la déesse aux grands yeux).<br /> <br /> Mais notre Julie avait aussi des côtés bien peu déesse. N'ayant jamais su faire une nette différence entre les produits qui s'étalaient sur les rayons, elle pouvait aussi bien grignoter un paquet de cookies ou de nougats que des croquettes Frolic. Elle avalait indistinctement le contenu d'une bouteille de yop à la fraise ou de soupline à la lavande (pour assouplir son âme riait-elle !).<br /> <br /> Toutes ces excentricités finirent pas importuner la clientèle. Aussi, un matin de décembre, ce mois aux frimas redoutables, la Julie reçut une lettre glaciale du gérant de son Monoprix qui lui enjoignait de n'y plus mettre les pieds. Et ce, à la suite des nombreuses plaintes émises par la clientèle de ce noble et respectable établissement.<br /> <br /> La Julie, le coeur gros, alla porter ailleurs son charme et ses vagabondages consommateurs.<br /> <br /> Vous, qui êtes attirés par l'étrange, l'original, le coruscant, le cocasse, vous pourrez peut-être entrevoir Julie qui hante désormais les rayons d'une grande enseigne et qui, pour le bonheur des petits comme des grands, n'a en rien changé ses habitudes.<br /> <br /> Que ceux qui aiment les fins heureuses ne s'affligent pas tout à fait. La Julie n'est nullement condamnée à errer éternellement dans les rayons des supermarchés. Elle a fini ou finira un jour par tomber elle aussi sur sa Carla Bruni.<br /> <br /> Mais ceci est une autre histoire !<br /> <br /> David
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