COURS DE MEDIOLOGIE, PAR JULIE
L'ennui du trop plein et le désir du vide (fable)
Êtes-vous comme moi .? Déchiré(e) ? Moi, je le suis souvent. Presque une déchirée pur beurre. (1). Une fille qui met ses membres un peu partout. Qui se disperse et qui se retrouve peu.
Ainsi (c'est le début de cette fable en images), Julie a-t-elle le désir de connaître les vraies valeurs de l'ennui profond, celui qui rehausse l'existence, celui qui vous met en face de la condition humaine. On cherche alors - oui, finalement c'est ce que Julie cherche - l'instant où la rareté aride rencontre la beauté. Cela donne ça : une aridité si verte qu'on s'y perd. Méditation, Culture, Sensibilité malade. Un espoir d'être dedans pour être à l'unisson.
Et puis bientôt cela ne va plus, on dit merde à l'isolement, aux profondeurs, aux arbres si verts qu'on les dirait traités par une écologie sous cellophane, on dit merde à l'ennui qui avait vocation de vous grandir. On cherche le mouvement, la lumière, le bruit, le hasard, le refus des répétitions, on a envie de se perdre parce qu'il est bon de se perdre. Fureur. La ville est un cataclysme vociférant, on aime ça, je suis un cataclysme vociférant, pense la petite Julie enrubannée de modernité. Et cela donne ça : un espace qui, immense, a contraint son immensité. Diversité et soif d'agir. Cubes de blocs et blocs de cubes.
Et puis, quel que soit l'univers que l'on habite, vert pâturage ou mégalopole et son bistrot criard "Chez Popaul", on peut ne jamais cesser de penser à sa petite personne. Certains goûtent les plaisirs enfumés de se détruire, de brûler la vie par les bouts de tous les bouts, de faire de ce corps qui vous trimballe une enveloppe tout juste osseuse, dure comme une tirelire. Une tirelire qui clope, qui boit, qui s'évanouit, qui s'arrondit comme cochon de la ferme, surtout si ce cochon appartient au rêve de la Perrette de La Fontaine : vieillir, engraisser, cloper, boire, vieillir. Et cela donne ça. Regard vitreux et jolie teinte rose artificielle. Rose cellophane.
Quelle image! se dit Julie. il faut réagir, lutter, devenir grande, affirmer sa vertu, devenir mieux : une dame. Alors la dame s'habille, elle se ruine en déshabillés de satin, en robes de lamé, en dentelles de charme. Jusqu'à ce qu'un vieux fou tombe amoureux de ces attraits sans âge et fort joliment présentés: Julie devient une courtisane, emprisonnée dans sa beauté, dans les artifices d'une cambrure de reins qui peut facilement épouser l'escalier. Il ne s'agit plus d'épousseter les cendres d'une âme viciée par la débauche et le tabac, il s'agit désormais de figurer cette âme qui succombe dans les bras d'un nabab aseptisé. Cela donne ça, c'est grotesque, oh oui, c'est grotesque :
Sauvée par le stéthoscope expert du médecin, la Julie qui se pamait, décida de quitter le nabab, pourtant priopriétaire d'un bel escalier. Seule, sans autre préoccupation que celle de se donner au remuement du monde, Julie se passionna pour les actes citoyens, les délires politiques, les spectacles médiatiques. Oh, l'heureuse ménagère de moins de cinquante ans (elle avait vieilli) qui était fascinée par les parts de marché. Moderne, éperdument moderne, elle croyait qu'Ardisson, Ruquier, mais surtout Claire Chazal et Laurence Ferrari étaient les Dieux et les Déesses d'une extase inconnue. Fascinée et très niaise, Julie gobait le monde par l'aveuglement de ses yeux. Cela donnait à peu près ça. Voyez donc :
Ah qu'il fut bon de jouer à être heureuse par l'agitation de tous ces cons ! La télé, internet, la radio, la rumeur, le journal, la télé, l'internet, et la répétition d'un monde sans force, sans espoir, sans subtilité,ah comme il fut bon d'être con à l'unisson. Julie aima cela. Fascination. Ecran qui bouge. Lecture partielle. Plaisir de l'instant. Marchandisation de ma jouissance. Jouissance du marché. Circulez, y'a toujours kekchose à voir ! Puis Julie se lassa. Elle vieillissait beaucoup, faut croire. Devenait sage. Elle remisa ses écrans, cracha sur DailyMotion, devint peut-être plus moche, mais peut-être moins victime de cette information au jour le jour qui alimente les appauvrissements humains. Et cela donna ça : un dépôt qui s'impose, une fin de non-recevoir, un sous-sol plein de cartons, de vieilleries :
Triste déconvenue des croyances enfantines : isolement puis bruit du monde, destruction puis don de soi, communication intempestive puis délaissement des images et des écrans. Tout aboutit à son contraire et Julie se sent paumée. D'autant qu'y a pas de morale à l'histoire... Ou c'est à toi lecteur de la trouver...
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(1) le beurre d'Echirée, bien sûr... Vous n'êtes pas amateur?
Julie
Google, au bolot : fable - modernité et solitude - communication - télévision - internet - tabac - marchandisation - La Fontaine