GREVE DU 29 JANVIER : COMBATS ET DESESPOIRS
S'inquiéter, pleurer, rire, se venger.
Ces quatre postures peuvent évidemment résumer l'état d'esprit des français au moment où la crise sévit, au moment où l'on mesure à quelle point le pouvoir élu - dont l'interventionnisme, pourtant, n'a jamais été aussi patent - est incompétent, au moment où règne une précarité flagrante, au moment où les injustices se creusent, au moment où faire ses courses devient un problème pour la moindre famille statistiquement comptabilisée dans ce vaste magma qu'on nomme les classes moyennes, au moment où la confiance dans ce capitalisme bon-enfant qui régissait nos réflexes s'écroule, au moment où se délitent toutes les autres valeurs d'une république qui, peu ou prou, défend la parole de chacun dans l'espace de tous (en vrac la solidarité du bistrot, l'espoir que l'ascenseur social s'arrête à votre palier, l'impertinence des contre-pouvoirs ou l'exemplarité de l'intelligence et de la culture). Oui, on peut résumer cela ainsi.
Je le crois, ces quatre postures expliquent une grève générale, fourre-tout mais symbolique, qui, d'après ce que l'on peut dire ce soir, a mis dans la rue plus de 2 millions de français (et de très nombreux salariés du privé).
S'inquiéter si l'on est sensible à la destruction de qui faisait, à tort ou à raison, la fierté d'un pays comme le notre qui aime la sécurité autant que le confort : nos services publics deviennent des guichets inhumains aux perspectives purement rentables.
Pleurer si l'on est au chômage, pleurer si l'on pense que la crise va durer, va accentuer les petits comptes du quotidien. Je pense à cet homme pourtant salarié, sans problème majeur, qui, devant moi, m'avouait hier, qu'il préparait tous les jours un petit tas de pièces : son budget pour manger : 4 euros par jour, je ne peux pas dépenser plus, disait-il en baissant la tête...
Rire, si l'on pense avec quel aplomb, avec quel mépris, avec quelle absence de sagacité, avec quelle immaturité politique, le président de la République actuel s'embourbe dans les contradictions qui ont toujours été les siennes. On rit, évidemment, si l'on ne fait que juger.
Se venger aussi. Car les 70% de français qui ont affirmé, dans les sondages, être totalement solidaires de la grève d'aujourd'hui, pourraient devenir le ferment d'une instabilité sociale, d'un désir d'en découdre, d'une violence larvée. Il ne faut jamais méconnaître le désespoir des hommes qui sont à bout.
A bout d'un système ? Sans doute. Par un enfermement malsain dans sa victoire stratégique et politicienne de 2007 et par l'incurie de ses analyses, Sarkozy semble le premier président à ne pas comprendre la France, le peuple, ses espoirs et ses désespoirs. Pire, il ne sait pas lui parler. Cette grève réussie mais inquiétante est le symptôme d'une maladie : la rupture. Je ne veux pas parler de la fameuse "rupture sarkozyste" portée comme un étendard, ce slogan de campagne qu'on juge aujourd'hui bien creux, je veux dire que se fonde une rupture profonde et existentielle avec les donneurs de solutions. Il est toujours très grave de ne plus savoir espérer.
Julie
Google, au boulot : Grève générale du 29 janvier 2007 - crise - état d'esprit des français - Sarkozysme - la rupture du désespoir