L'EXCEPTION PICTAVIENNE
Mes surdoués d'amour,
Aujourd'hui je me fends d'une analyse politique avec un angle. Chantal se demande ce qui va lui arriver : question angle, elle a morflé les angles du divan la dernière fois que ma colère s'est exprimée entre nous. J'en suis fort désolée, avec du recul, mais c'est ma nature ultra féminine de m'énerver puis de câliner. Je voulais parler de Ségolène en Poitou. Parce que la jolie Ségo elle joue quand même la carte "j'suis une fille de province", "je connais les gens", "je participe à leur vie". D'où l'idée de la Démocratie Participative qui semble un joli slogan, surtout vu du côté de l'Hôtel de Région, à Poitiers. Je ne puis revenir sur le fait qu'à Melle, petit village charmant, sa première terre d'élection, on la perçoive comme une "parisienne" qui se la pète, ce serait pas gentil. Je ne puis dire qu'elle est autoritaire, rusée, arriviste et iconoclaste, ce serait l'enfoncer dans les affres d'une calomnie basse digne d'une Cassandre peu habile. Moi je veux juste la comparer à Raffarin, à Monory et à Edith Cresson. En voilà une idée, que vous me dîtes ! Et pourquoi pas comparer les grands poitevins (en centre-ville on dit Pictaviens) qui gouvernèrent ? Ils sont bizarres tous ces gens-là. Ils sortent d'on-ne-sait-où, ils sont pragmatiques et raisonneurs, apparaissent comme des natures trempées et facétieuses, comme des OVNI. Prenons celui dont on se souvient le mieux. On se moque de Raffarin parce qu'il fut un premier ministre à la servilité délicate et à la pensée bondissante (là où elle pouvait bondir), à la réforme chevillée au corps, un corps que le pays a appris à connaître, mastodonte lunaire, père de la France d'en bas. Il est incontournable, Raffarin, en Poitou. Si présent que ses racines n'ont pas besoin d'étendre les bras pour se manifester : il parle, on l'écoute, il dit une phrase emberlificotée, elle a sa beauté, on oublie, mais il a gouverné. Monory c'est le garagiste de Loudun qui a fini président du Sénat. En bon bricoleur, ce gentil pragmatique a mis les mains dans le cambouis et a installé le Futuroscope aux portes de la Ville. Monory fut une belle bête d'autodidacte, une sorte de Alain Delon de la politique locale. Et vous savez que dans les partis, ce ne sont pas les Visconti qui manquent : on fait confiance à ce garçon simple et droit, il parle de ce qu'il connaît, on oublie sa simplicité, il décide et il crée. L'ère Monory est terminée en Poitou, mais ce nom sonne comme le défi de "l'homme qui peut". La fille Edith Cresson, longtemps maire de Chatellerault, flirtait avec les édiles, plus encore avec Mitterrand. Le Boss avait besoin d'une femme, elle fut premier ministre. Un seul ricochet sur le petit fleuve national, retour au bercail de la Vienne. Elle parlait crûment de la bourse et traitait les anglais de pédés. Elle parlait la gouaille picto-charentaise, on lui en a voulu, on a quasiment oublié son nom aujourd'hui. Le Poitou est une belle terre politique. On y cultive les plantes rares et lourdes. On les arrose peu, on les sent capables d'éclater à tout moment. Chirac a fait éclater Raffarin, assez habile pour se montrer indispensable et très singulier en son temps, Monory a gravi les échelons et le MonoryScope apporte des devises au territoire, Cresson, il y a longtemps, éclata comme le boulet de Mitterrand sur les éléphants qui dansaient. Et Ségolène ? Quand éclatera-t-elle ? Je sais que vous pensez que son éclat est de papier : sondages, posture people, look du tailleur très travaillé. Va-t-elle durer ? Sera-t-elle obligée de faire, devant un Harry Roselmack de retour sur LCI, dans quelques semaines, le discours qu'a tenu Jacques Delors devant Anne Sinclair en 1995 ? Julie n'est pas voyante. Elle sait seulement que la terre poitevine propulse au devant de la scène des étrangetés imprévisibles. Cette terre qu'on raille souvent parce qu'elle illustre le bon terroir du chèvre et de l'agneau, créent des loups atypiques et des ambitions calmes et constantes. Qu'on se le dise ! En attendant, écoutons bien la louve qui rassure...
Julie