LA QUATRIEME FORME DE TRAGEDIE
Naguère (et ce "naguère" est si lointain qu'il appartient à la philosophie antique !), Aristote expliquait que, selon lui, il existait 4 formes de tragédies : la tragédie complexe qui repose sur un retournement inattendu, la tragédie pathétique qui force l'identification, la tragédie de caractère qui oppose les groupes humains, enfin la tragédie spectacle qui se fond dans les effets de la représentation. Aristote, dans le chapitre XVIII de sa Poétique, classait ses 4 formes de manière descendante, montrant le peu de goût qu'il avait pour le spectacle, trop éloigné de l'Histoire.
Pourquoi donc, sur ce blog politique, votre amie Julie, se plait-elle à digresser sur Aristote et sur ses classements obsolètes? Sans doute parce que l'analyse aristotélicienne lui fait immanquablement penser aux dérives de gouvernance que nous vivons à chaque heure du grand spectacle sarkozien. Certes il ne s'agit pas de théâtre mais le spectacle est là, tout teinté de narcissisme et d'improvisations grotesques, berlusconniennes. Même si tout part en couille dans le mécanisme du petit candidat UMP élu, les décisions sont toujours liées au spectacle de soi, dans un grand écart permanent entre désir de distinguer et haine paranoïaque. Expliquons.
Fillon est un premier ministre gênant, dans la mesure où il ressemble peu à son maître : trop discret, plus compétent, moins populiste et par conséquent moins vulgaire. Un has been de la vieille école. Les tensions entre ces deux-là sont un sujet de discussion aigu, ces derniers temps, dans le microcosme politique parisien qu'on alimente et qui fait rire. Fillon gêne? Fillon agace? Qu'on se le dise, Sarkozy a un "atout spectacle" qu'il a pris soin de faire connaître et quelques médias s'en sont emparé, sans doute pour montrer que le président fait quelque chose contre les couacs à répétition de la vie démocratique à droite: Sarkozy a inventé "une garde rapprochée de ministres fiables et dévoués" au nombre de 7, et qui sont au Clown Blanc des Auguste dont le faire-valoir spectaculaire doit porter ses fruits. Ces 7 clowns sont : Xavier Bertrand (Travail), Laurent Wauquiez (Travail), Brice Hortefeux (Immigration), Xavier Darcos (Education nationale), Eric Woerth (Budget), Luc Chatel (Consommation) et Nadine Morano (Famille). Tous les jeudis, ce petit monde se réunit à l'Elysée pour décider d'une com' adéquate : ils ont pour tâche de relayer les merveilleux avancements de la rupture ! Peine perdue, sans doute, tant le désamour vis-à-vis du volontarisme incontrôlé de ce chef de l'état est grand.
Fillon est donc hors jeu. Il doit tenir jusqu'à la fin de la Présidence française de l'UE (puisqu'il a pu tenir jusque là), et tenir, cela veut simplement dire "faire contre mauvaise fortune bon cœur". Un an et quelques semaines de survie politique et d'humiliations.
Les courtisans, eux, se portent bien : Bertrand, Hortefeux, Morano et les autres, deviennent les Trissotin de la France, les précieuses ridicules d'un maître irascible, irascible de ne pas être aimé. Cependant, au XVIIe siècle, comme peut-être du temps d'Aristote, pour se faire aimer sur la scène, on maîtrisait la parole. On avait du talent. Les multiples erreurs de casting de Sarkozy (voyez, on ne parle plus de Rachida Dati, de Fadela Amara, de Bernard Kouchner, pourtant des "trouvailles" spectaculaires de la sauce Paris Match - pacotille des premiers temps), les erreurs de casting, donc, ont montré que le metteur en scène était mauvais. Et on suppose que les 7 tragédiens du spectacle politique qui s'annonce n'auront pas le raffinement des formules, l'esprit, ou le flamboiement du "naturel" qui, comme le dit Molière, reste pourtant insaisissable, et que la plupart s'efforcent d'imiter.
Spectacle, tout est spectacle dans ce jeu de pouvoir risible et courtisan... Certes, il me souvient que Mitterrand avait ses "cercles" et qu'il usait de ce jeu monarchique avec brio. Mais tout se passait en dehors des médias, de la scène: les ressorts de ce jeu, c'était le petit secret du maître. Car maître il l'était. Et nous avons seulement, aujourd'hui, à la tête de l'état, un enfant immature qui caresse des clowns apathiques et sans talent. N'est-ce pas terrible?
Julie
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